Aujourd’hui, j’ai constaté quelque chose de vraiment insolite. C’est dingue comme il y a des choses qui peuvent nous échapper, comme des gens qu’on croyait connaître se retrouvent soudain mutés en étrangers dont seul le nom nous est familier, et encore…
J’étais donc en cours, en train de tenter de garder les yeux ouverts malgré la voix soporifique de mon prof de moderne qui me berçait au rythme des « élites urbaines », « statutaires », « classe bourgeoise » et autres mots germains que je ne saurais nommer. Et croyez-moi, c’est loin d’être aisé de rester éveillé lorsqu’il est huit et demi du matin et qu’on ne s’intéresse absolument pas aux sociétés urbaines du XVIème siècle. Je faisais toutefois mon possible, laissant néanmoins mon regard dériver dans la pièce de temps en temps, histoire que mes paupières ne se mettent pas en veille. Il faut dire que j’étais assise autour d’une table en U, comme par hasard juste en face de mon ex (que nous appellerons Le Comte pour des raisons… personnelles, que je ne révèlerai pas ici dans un souci d’anonymat, et qui n’ont, je vous rassure, strictement rien à voir avec Good Morning England – qui est indéniablement, si on va par là, un chef d’œuvre cinématographique à voir et à revoir), que cette situation contrariait au plus haut point, et qui s’évertuait à fixer le prof assis à l’autre extrémité du U, se provoquant, j’en suis sûre, un torticolis très douloureux. L’avantage était bien sûr que j’avais tout le loisir d’observer son petit manège, moi à qui ça ne posait aucun problème de le regarder – ou lui parler. Ou l’embrasser. Ou le… Hum, bref, passons.
Et là, alors que je souriais d’un air narquois (qu’il ne voyait pas), je vis ce truc qui a bien failli me faire perdre la boule. Une fois n’est pas coutume, après m’être frotté les yeux pour vérifier que je ne rêvais pas, j’ai discrètement sorti mon portable de ma poche et j’ai envoyé un sms paniqué à ma meilleure amie, que nous nommerons ici epok.cowblog.fr (je sais, je sais, c’est mal).
“J’hallucine ! J’hallucine ! J’hallucine ! Le Comte a un collier ! Un COLLIER !”
Je vous explique toute l’étrangeté de la chose : durant le temps où nous étions… proches, on va dire, j’ai vaguement essayé de lui faire porter un bijou – parce que je ne sais pas vous mais moi je trouve ça très sexy sur les mecs – et il m’a aussitôt rétorqué qu’il en était hors de question et qu’il détestait les bijoux. Il déteste les bijoux. Alors… Comment ?! Qu’est-ce que le point ?
La question m’a tourneboulée toute la journée et j’en ai déduit une seule solution possible : il n’y avait qu’une fille pour lui mettre la corde au cou, et il était donc plus que probable qu’il ait une copine. *Décès du sujet*
J’ai donc marmonné en boucle toute la journée « Non mais je rêve, il ose avoir quelqu’un avant moi, ce salaud briseur de cœur, ce cœur de pierre, cet entêté, borné comme pas deux, non mais je rêve ! »
Et maintenant que je suis rentrée chez moi, attablée devant mon clavier et en train d’écrire, je me rends compte que cette réaction démesurée à l’égard d’un simple collier n’est probablement qu’une histoire de regrets, de nostalgie et de jalousie. Jalousie de la fille hypothétique avec qui il serait, nostalgie de ce qu’on a vécu ensemble et de savoir que ça ne se reproduira jamais, et regrets de l’avoir suffisamment laissé s’éloigner pour ne pas savoir s’il est susceptible d’avoir changé d’opinion sur les colliers, ce qui peut bien avoir assez d’importance pour être suspendu autour de son cou et si c’est de son propre fait ou de celui de quelqu’un d’autre.
C’est étrange de s’apercevoir que quelqu’un dont on était si proche soit à présent si distant, qu’une personne avec qui on a partagé de l’affection, de l’amour, de la tendresse, du désir, se comporte comme un étranger. Alors oui, c’est ridicule. Oui, c’est inexplicable. Et oui, ça révèle de forts troubles intérieurs, mais ça n’empêche que…
Qu’est-ce que le point de ce p*tain de collier ?!
P.S. : de l’autre abattis, demain j’ai italien. Ce qui signifie Sublimo en perspective. J’ai d’ailleurs décidé de la combine à adopter destinée à obtenir l’information mailesque. Je vais lui annoncer que je dois écrire un mail en italien à une gentille madame qui a proposé de m’héberger à Venise en février (véridique), mais que vu mon niveau d’italien plus que lamentable (véridique) j’aurai beaucoup de mal à écrire seule quelque chose de lisible et raisonnablement sensé (véridique). J’ai donc immensément besoin de son adresse mail (plus que véridique) histoire de tester son niveau de gentillessitude et de l’employer à temps partiel comme correcteur de mail privé.
Brillant, n’est-ce pas ? La suite au prochain épisode !